Le PDG de Shopify critique vivement l’aide de 40 millions de dollars d’Ottawa à Nokia jugée absurde

L’annonce récente d’un investissement fédéral de 40 millions de dollars en faveur de Nokia à Ottawa suscite un vif débat au sein de l’écosystème technologique canadien. Alors que le gouvernement promet la création de centaines d’emplois et une avancée majeure pour la recherche et le développement, certains acteurs du secteur expriment de sérieuses réserves quant à la pertinence de cette initiative.

Polémique autour du soutien public à Nokia

Le projet, officialisé lors d’une cérémonie à Kanata, prévoit l’expansion de Nokia dans la région d’Ottawa, avec l’objectif affiché de générer plus de 300 nouveaux emplois hautement qualifiés. Selon le gouvernement, cet investissement public devrait permettre de renforcer le positionnement du Canada dans les domaines de la 5G, de la cybersécurité et de l’intelligence artificielle.

Cependant, l’annonce n’a pas fait l’unanimité. Le PDG de Shopify, Tobias Lütke, a vivement critiqué cette décision sur les réseaux sociaux, la qualifiant de « totale absurdité » et évoquant un « pot-de-vin » de la part de l’État fédéral. Selon lui, de telles subventions nuisent à la dynamique de l’innovation en créant une concurrence déloyale et en faussant le marché.

Arguments du gouvernement et réactions du secteur technologique

Du côté des autorités, la justification de cette dépense publique repose sur la nécessité de conserver et d’attirer des investissements majeurs dans les secteurs stratégiques. La ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a souligné l’importance de soutenir des entreprises internationales capables de stimuler la création d’emplois et de favoriser la croissance économique, tout en positionnant le Canada comme un leader en intelligence artificielle et en télécommunications.

Malgré ces assurances, plusieurs voix s’élèvent au sein de la communauté tech. Certains experts pointent le risque d’un effet d’éviction, où les entreprises locales et les jeunes pousses pourraient être désavantagées face à de grands groupes bénéficiant d’un appui financier massif. « Ce genre de subvention remet en question la capacité du pays à encourager une innovation authentique et compétitive », estime un analyste du secteur.

Impact potentiel sur l’écosystème canadien de l’IA

L’arrivée de nouveaux investissements dans le domaine de l’intelligence artificielle est traditionnellement perçue comme une opportunité pour renforcer les capacités de recherche et attirer des talents. Toutefois, la polémique autour de l’aide accordée à Nokia révèle une fracture entre deux approches : celle misant sur le soutien direct aux multinationales, et celle privilégiant le développement organique des startups et PME locales.

Certains observateurs rappellent que le Canada dispose déjà d’un tissu solide de chercheurs et d’entreprises innovantes en IA, notamment à Montréal, Toronto et Edmonton. Le choix de privilégier un grand acteur étranger plutôt que d’investir dans les structures locales alimente donc un débat de fond sur la stratégie à adopter pour assurer la compétitivité du pays dans ce secteur en pleine mutation.

Perspectives pour l’avenir

L’investissement fédéral dans Nokia à Ottawa marque une étape importante pour l’écosystème technologique local, mais soulève également des questions fondamentales sur la meilleure façon de soutenir l’innovation au Canada. Alors que le secteur de l’intelligence artificielle est en pleine effervescence, le choix entre l’appui aux géants internationaux ou le renforcement du tissu entrepreneurial national pourrait façonner durablement la trajectoire du pays dans les années à venir.